« Les précipitations des derniers jours sont insuffisantes pour combler le déficit
L’épisode pluvieux du week-end a été intense mais pas forcément sur l’ouest du département, qui voit son déficit en eau se creuser d’année en année.
La dette en eau se creuse d’année en année dans le Biterrois et ce ne sont pas les fortes pluies de ces derniers jours qui vont permettre de renflouer les caisses, c’est-à-dire les nappes phréatiques. On fait le point sur la situation avec Laurent Rippert, le directeur de l’établissement public territorial du bassin Orb et Libron.
Le bassin versant de l’Orb est souvent en alerte ces deux dernières années, est-ce que la situation s’est améliorée ?
Il faut bien voir que les événements pluviométriques, il y a quelques semaines, ont davantage concerné l’est du département de l’Hérault que l’ouest. Il y a une vraie frontière, symbolisée par le fleuve Hérault. Par exemple, l’an dernier, il n’a plu que 175 mm à Sérignan et deux fois plus sur le Montpelliérain, alors qu’on est dans le même département.
Nous, sur le secteur Orb et Libron, on est dans le même panier que nos voisins de l’Aude et des P.-O. Donc, dans une situation critique. Depuis le début de l’été, on n’a pas eu de précipitations, même sensibles. Les seules pluies que l’on a pu avoir, ce sont celles de ces trois derniers jours (de vendredi à dimanche).
Les dernières précipitations ont été intenses, néanmoins…
Sur l’amont du bassin de l’Orb, il est tombé de 100 à 120 mm, 80 mm environ au milieu et 50 mm en aval, dans le delta de l’Orb et du Libron. Ces précipitations sont les bienvenues, évidemment, mais elles sont largement insuffisantes pour combler le déficit qu’on accumule depuis trois ans. Il faudrait 2 à 3 épisodes similaires pour vraiment voir les niveaux remonter.
Quelles sont les conséquences sur l’environnement ?
Ça veut dire une baisse lente, progressive mais constante du niveau de l’eau dans les aquifères (sol ou roche réservoir contenant une nappe d’eau souterraine où l’eau circule et peut être captée, NDLR). Pour prendre une image, si le sol et le sous-sol étaient des éponges, il faudrait qu’ils soient remplis d’eau à 100 % pour assurer leur rôle. Là, ils ne le sont qu’au tiers. Il y a un grand nombre de sources sur le territoire du bassin qui, aujourd’hui, sont taries. Le jour où on les reverra, ça voudra dire que les « éponges » sont à 100 %.
On subit deux phénomènes aggravants sur notre bassin : des précipitations en baisse et des gros coups de chaud pendant l’été. Par exemple, il y a un grand nombre de frênes, près des rivières, qui sont en train de mourir et même dans les forêts, en amont, on trouve des chênes aux feuilles desséchées.
Est-ce que la problématique du sel qui remonte dans les terres risque de s’accroître ?
Ce problème est circonstancié à la très basse plaine de l’Orb. Le sel ne remontera pas jusqu’à Béziers mais concerne les communes de Sauvian, Cers, Sérignan, Valras, Portiragnes et Vias. L’absence de précipitations sur ces secteurs très bas augmente la probabilité que le sel remonte par capillarité car l’eau douce, faute d’un débit suffisant, ne pousse pas le sel vers la mer.
Le sel est chassé par les précipitations mais aussi par les crues débordantes, qui sont une très bonne nouvelle pour les terres du delta. Les viticulteurs, par exemple, procèdent à des submersions de leurs parcelles de vignes en pompant l’eau de l’Orb, lorsqu’elle n’est pas salée, pour inonder leurs terres et en chasser le sel. Mais pour l’heure, les petites crues que l’on a ne sont pas de nature et de durée suffisantes pour chasser le sel.
Est-ce qu’il faut revoir tout le schéma agricole sur le bassin versant ?
Ce n’est pas que le secteur agricole qui est concerné, c’est l’ensemble de l’aménagement du territoire qu’il faut revoir. Il va falloir réfléchir différemment, notamment en termes d’urbanisation. Et se dire que le développement doit s’adapter à la disponibilité de la ressource et non l’inverse. L’accélération du phénomène est telle qu’il faut s’interroger sur nos développements futurs.
Midi Libre